Un volet ethnologique participatif

Je m’occupe particulièrement dans ce projet du volet ethnographique. Qu’est-ce que l’ethnographie ? C’est une approche qui a trait à l’immersion d’un chercheur (ethnographe, ethnologue…) au sein d’un territoire, au sein d’une population. La notion d’investissement prend ici tout son sens. L’ethnographie implique une présence, une écoute, un partage d’expériences croisées avec ceux que l’on rencontre au fil de l’enquête. L’enquête n’est plus alors l’objet exclusif du chercheur, elle est un instrument pour tous ceux qui y participent et qui deviennent, dès lors, acteurs eux aussi. 

L’ethnographie est parfaitement adaptée au projet Xynthia. La question mémorielle, sensible, les objectifs patrimoniaux, nécessitent en effet que les scientifiques ne soient pas en surplomb de la société, et qu’ils n’appréhendent pas l’autre comme un objet de leurs recherches. Au contraire, les scientifiques vont accompagner des personnes, des familles, des groupes dans un travail de la mémoire dans lequel ils doivent tous être impliqués pour qu’il soit efficace ; pour qu’il conduise à la transmission d'une mémoire incarnée et vivante du risque de submersion. Les communautés littorales sont amenées à être actrices de ce travail. Elles sont bénéficiaires de cette recherche, comme de sa valorisation dont nous devrons définir ensemble les modalités.

Comment cette démarche va-t-elle se traduire concrètement sur le terrain ? D’abord, elle va se traduire par des présentations publiques du projet, assorties d’appels à se mobiliser pour partager et transmettre la mémoire de Xynthia. Bien entendu, toute intervention sur le terrain ne peut s’effectuer qu’en s’assurant du soutien des collectivités et des associations locales. On ne va pas déployer une enquête ethnographique si l’adhésion de ceux qui doivent en être acteurs n’est pas manifeste : la démarche doit entrer en résonnance avec les enjeux de chaque territoire. 

Cette démarche va ensuite se concrétiser par la réalisation de l’enquête sur le terrain. Elle prendra plusieurs formes .

D’abord, des entretiens de recueil de la mémoire :  Il pourra s’agir d’entretiens collectifs. La dimension collective permet, en remémorant ensemble, de laisser exprimer des souvenirs que la mémoire individuelle peut avoir occulté.  Il pourra également s’agir d’entretiens individuels. Ils permettront de dire des choses que les entretiens collectifs n’auront pas permis d’aborder ou d’approfondir, parce que la dimension collective des témoignages peut éventuellement écraser les souvenirs plus personnels. 

Ensuite, ces entretiens se conjugueront à une collecte de photographies, de films amateurs, ou d’autres objets qui seront prêtés pour être inventoriés, numérisés, mais ils seront rendus à leurs propriétaires). Ces objets sont importants dans la mesure où chacun les associe à sa mémoire de Xynthia. 

Alors, pourquoi enregistrer les témoignages ? Pourquoi collecter photographies et objets ? Parce qu’il s’agira, après le temps d’enquête, de mobiliser tous ces matériaux pour concevoir des outils de médiation. 

Nous envisageons par exemple de travailler sur une géographie sensible de la mémoire de Xynthia ; à partir de laquelle nous pourrons développer une carte interactive de la mémoire de la submersion. Cette carte devra être accessible et consultable par tous, et donner accès à des extraits de témoignages, à des images, à des films qui auront été collectés pendant l’enquête. Nous pourrons par exemple adosser son accès aux repères de submersion Xynthia 2010 disposés sur le territoire et auxquels trop peu de personnes continuent aujourd’hui d’accorder de l’attention. Il s’agirait peut-être de revaloriser ces repères en leur apportant le contenu qui leur donne du sens : celui du vécu. 

Yann Leborgne

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17 février 2024 : lancement du projet